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La Norvège
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4 octobre 2005

Histoire de la Norvège, des origines à la veille de la Seconde Guerre Mondiale

C'est à l'époque où la Scandinavie se dégagea de l'emprise de la grande calotte glaciaire que les premiers hommes apparurent sur le sol norvégien, surgissant de l'ombre de la préhistoire. Il y a dix mille ans, les ancêtres des Norvégiens chassaient le renne et autre gibier sur leur longue route vers le nord. Comme la terre qu'ils trouvèrent avait été écrasée des millénaires durant par le poids de la calotte glaciaire, la côte, à l'époque, était environ 200 mètres plus haut qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les premiers vestiges d'une activité humaine furent découverts sur une colline au sud-est d'Østfold, non loin de la frontière australe avec la Suède. Il est probable qu'à cette époque cette colline était une île côtière au sud de la pointe du glacier.

Par Tor Dagre

Les avis divergent sur les origines géographiques des ancêtres des Norvégiens et sur les voies de communication qu'ils empruntèrent en allant vers le nord. Toutefois, certains d'entre eux ont certainement passé par Østfold. Les objets artisanaux trouvés sur les lieux d'anciennes habitations ressemblent à ceux trouvés en Suède du sud et au Danemark. Il est possible aussi que d'autres aient emprunté le chemin de ce qu'on appelle le continent de la mer du Nord pour se diriger vers le sud-ouest de la Norvège.

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Les premiers Norvégiens étaient des chasseurs, qui, dès que la nature le leur permettait, se rassemblaient en petits groupes et s'installaient. Nous possédons encore quelques traces de leur présence : des outils en silex, des poteries, et surtout des gravures rupestres. On retrouve des vestiges de leur art aujourd'hui dans toute la Norvège : images taillées ou gravées dans le roc, représentant leur gibier : rennes, cerfs, élans, ours et poissons. Plus rarement, ils représentent hommes et navires.

L'agriculture fit son apparition il y a cinq ou six mille ans dans la région du fjord d'Oslo. Les découvertes archéologiques montrent qu'à l'âge du bronze (1500-500 av. J.C.), dans le sud de la Norvège, les société paysannes prédominaient, alors qu'au nord, selon des vestiges de la même époque, il y avait surtout des chasseurs. Dans le Finmark septentrional, il y a en beaucoup d'endroits des villages de chasseurs d'une dimension assez conséquente, ce qui indique clairement que les gens de l'époque se réunissaient périodiquement pour effectuer des tâches communautaires. Les objets funéraires (ustensiles en bronze, armes, verrerie) trouvés dans les tombeaux datant des Romains (les quatre premiers siècles de notre ère) témoignent de l'existence d'échanges avec les civilisations du Sud. L'écriture runique date de la même époque. Pendant les deux siècles qui suivirent (en fait, de 400 à 550), les grandes migrations qui agitèrent l'Europe continentale n' épargnèrent pas la Norvège, comme le prouvent les vestiges de l'époque. L'existence de fermes dans des régions isolées atteste d'une colonisation arrivée à saturation. Des analyses de pollen montrent que la côte ouest était alors déboisée. Cette époque troublée amena les habitants à organiser leur défense, comme par exemple par des forts, dont on peut de nos jours voir encore les vestiges sur la rive orientale du lac Mjösa ­ le plus grand lac norvégien ­ et cela sur plus de cinquante kilomètres.

L'époque des Vikings (d'environ 800 à environ 1050)

L'avènement des Vikings marque la fin des temps préhistoriques. Ce que nous savons de cette époque vient essentiellement des découvertes archéologiques, à défaut de tout document écrit. Toutefois les Sagas, qui ont été transmises oralement de génération en génération avant d'être transcrites à une époque ultérieure, sont les témoins d'une période qui, sans conteste, a été l'une des plus riches de toute la préhistoire nordique.

De nombreux historiens font remonter le début de cette période à la mise à sac de l'abbaye de Lindisfarne (nord-est de l'Angleterre) en 793. Aujourd'hui encore, dans beaucoup de régions occidentales et méridionales de l'Europe, les Vikings ont la réputation d'avoir été de cruels prédateurs semant la terreur, brûlant et tuant ceux qui se trouvaient sur leur passage. Ce n'est que partiellement vrai. Ils furent aussi de paisibles voyageurs, venant commercer avec autrui et s'installer en d'autres contrées. Certains Vikings norvégiens firent souche aux Orcades, aux Shetland, aux Hébrides et à l'île de Man, en Ecosse du nord et en Irlande, où ils fondèrent Dublin vers l'an 840, et resta sous administration viking jusqu'en 1171.

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Peinture d'Oscar Wergeland

Ils découvrirent une Islande et un Groenland jusqu'alors inhabités ; ils s'y installèrent et y fondèrent des communautés. Les Islandais d'aujourd'hui sont les descendants directs de ces Vikings. Il n'en va pas de même pour le Groenland, où, sans que l'on sache pourquoi, les communautés norroises disparurent quelques siècles plus tard.

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Ces colons venaient surtout du sud et de l'ouest de la Norvège, là où l'on avait exploité la terre au maximum. Dans le même temps, dans le nord et au sud-est, d'autres communautés (dont les communautés paysannes), s'installaient de plus en plus loin, dans des régions jusque-là désertiques, surtout dans les montagnes et les vallées.

Grands voyageurs, les Vikings avaient besoin de vaisseaux rapides, hauturiers, et d'habiles navigateurs de haute mer. Le fait que ces marins chevronnés aient franchi à plusieurs reprises l'océan pour aller en Amérique prouve, si besoin était, leur totale maîtrise des "drakkars". Selon les Sagas, Leif Eriksson aurait découvert "Vinland la fertile" en 1001, mais les historiens d'aujourd'hui prétendent que d'autres Vikings avaient découvert l'Amérique avant lui. L'époque viking devait s'achever en 1066, à la bataille de Stamford Bridge en Angleterre, où le roi norvégien Harald le Sévère et ses compagnons furent défaits.

L'unification de la Norvège

Jusque dans les années huit cent, les différentes régions qui composent la Norvège étaient encore désunies. Des hommes, des peuples voulurent les regrouper, et instituèrent deux principales structures communautaires : des assemblées politiques et judiciaires, ou "tings", réunies autour d'un"Allting"(parlement central), et de petits royaumes locaux. Il y avait sans doute différentes raisons à cela : la principale étant vraisemblablement le besoin de paix et de stabilité des paysans, particulièrement dans les régions côtières, là où les riverains, enrichis par le commerce et le pillage, étaient exposés à de fréquentes incursions de bandes armées et aux ravages que provoquaient les Vikings de retour chez eux. Les roitelets étaient solidement assis sur leurs "trônes", et, grâce aux liens créés par des mariages consanguins, ils formaient un petit groupe uni doté d'un énorme pouvoir.

Les roitelets du Viken (région autour du fjord d'Oslo) jouèrent un rôle déterminant dans cette unification. Etendant progressivement leur contrôle sur les districts avoisinants, leur pouvoir s'accrut considérablement. Après la bataille de Hafrsfjord (près de Stavanger) - vraisemblablement en 872 - le roi Harald "A la Belle Chevelure" renforça son pouvoir sur une grande partie du pays. Cependant l'unification allait se poursuivre pendant plusieurs décennies, ce qui n'alla pas sans de violents conflits aussi bien entre les chefs de guerre norvégiens, qu'avec d'autres habitants du Nord. Cette époque semble avoir pris fin en 1060.

La conversion au christianisme

La christianisation de la Norvège ne se fit que très progressivement, sur une période d'environ deux siècles. Ce n'était que la conséquence des contacts que la Norvège entretenait avec l'Europe chrétienne, grâce aux liaisons commerciales et aux raids vikings. Des missions des églises d'Angleterre, d'Allemagne et du Danemark avaient également contribué à affaiblir les croyances aux dieux traditionnels nordiques. Cette conversion fut achevée avec l'avènement de trois rois missionnaires, Haakon le Bon, Olaf Tryggvason(Olaf 1er) et Olaf Haraldsson le Gros. Il devait mourir en martyr sur le champ de bataille de Stiklestad en 1030 et y devenir saint Olaf. L'Eglise avait gagné.

Dès le milieu du 11e siècle, chansons, monuments, législation, tout révélait l'emprise du christianisme sur la Norvège. Peu avant l'an 1100 furent fondés les premiers évêchés, parmi lesquels celui de Nidaros (Trondheim) où l'archevêque siégea dès 1152. Les archevêques norvégiens jouaient aussi un rôle politique. La Réforme fut appliquée par décret royal en 1537. A cette époque, la Norvège étant sous tutelle danoise, il a suffi de déclarer la prétendue ordonnance ecclésiastique dano-norvégienne applicable à la Norvège, pour que cette Réforme lui fût imposée. Dès le début du 17e siècle, la Norvège toute entière adopta la doctrine luthérienne.

Le Moyen Age

L'année 1130 marque un tournant de l'histoire norvégienne. Elle entra dans des guerres intestines qui durèrent jusqu'en 1227.

1130 fut aussi le début de ce qu'on appelle le Haut Moyen Age. Durant cette période, la population augmenta, l'Eglise se consolida. Des villes furent fondées et prospérèrent. Au fur et à mesure que le pouvoir royal et l'Eglise étendaient leur emprise sur les districts, les pouvoirs de l'administration centrale se faisaient davantage sentir. Selon les historiens, ce n'est qu'à partir de ce moment que l'on peut parler de royaume norvégien.

Le pouvoir de la monarchie s'accrut tout au long des 12e et 13e siècles, et finit par s'imposer aux prélats et à la noblesse. L'ancienne aristocratie fut remplacée par une nouvelle classe nobiliaire fidèle au pouvoir royal. Chez les paysans, les propriétaires fonciers devinrent des métayers (farmers). Il faut préciser toutefois que ces derniers, le plus souvent locataires de leurs terres à vie, avaient un statut d'homme libre, chose plutôt rare dans l'Europe de l'époque. L'esclavage de l'époque viking disparut également.

Pendant toute cette période le centre de gravité politique norvégien se déplaça du sud-ouest vers les districts autour du fjord d'Oslo. Sous le règne de Haakon V, au 14e siècle, Oslo devint la capitale de la Norvège. Auparavant elle n'était qu'un petit hameau au fin fond du fjord. Lorsque la Peste Noire atteignit la Norvège, en 1350, on pense que la population de la ville n'excédait pas 2.000 habitants, chiffre inférieur à celui de Bergen (7.000) et de Trondheim (3.000).

Si l'on compare les revenus de l'Etat norvégien à ceux d'autres pays européens de l'époque, ils étaient extrêmement modestes. A la fin du Haut Moyen Age, les finances étaient un obstacle à l'expansion de l'appareil de l'Etat et de la Couronne. La Peste Noire avait fait des ravages, réduisant de moitié, ou peut-être même des deux tiers la population recensée avant 1350. Ce drame poussa le Roi et la noblesse à rechercher d'autres revenus, qu'ils tirèrent à l'extérieur d'autres propriétés foncières ou états féodaux, sans trop se préoccuper des frontières nationales, ce qui favorisa l'émergence d'unions politiques dans les terres nordiques.

De 1319 à 1343 la Norvège et la Suède eurent une monarchie commune - phénomène qui devait se prolonger par toute une succession de mariages royaux inter-scandinaves. Haakon VI (1340-1380), fils du roi de Suède Magnus Eriksson, et de la fille de Haakon V, Ingebjorg, était l'héritier légitime du trône de Norvège. Il épousa Marguerite, fille du roi du Danemark, Valdemar Atterdag. Leur fils Olaf fut choisi pour remplacer Valdemar à sa mort en 1375. Il hérita du trône de Norvège à la mort de son père en 1380, unissant ainsi la Norvège au Danemark pour plusieurs siècles, jusqu'en 1814.

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Valdemar Attedag

L'union avec le Danemark

La fin du Moyen Age fut marquée par la chute brutale de l'économie. La population avait été fortement atteinte par la Peste Noire et par d'autres épidémies au cours du 14e siècle. Beaucoup de fermes dans des régions reculées furent abandonnées, et les revenus s'effondrèrent. Certains en rendent responsables la détérioration du climat et la mainmise de la Ligue Hanséatique sur l'économie norvégienne. D'autres y voient la conséquence d'un appauvrissement progressif du sol.

La dépression économique eut des répercussions politiques. Le Danemark devint le pays nordique le plus important. Les nobles danois et allemands se voyaient confier les plus hautes charges officielles. Les terres et résidences épiscopales tombèrent entre des mains étrangères. La noblesse norvégienne s'affaiblit. C'est pourquoi les Norvégiens perdirent et la volonté et la faculté de s'affirmer en tant que nation.

Dès 1450 la signature d'un traité scella son union avec le Danemark. Une clause de ce traité prévoyait que le Conseil royal norvégien avait son mot à dire lors de la désignation d'un monarque ; mais cette clause ne fut jamais appliquée. Le traité devait aussi ­ en théorie ­ garantir l'égalité entre les deux royaumes. C'était un principe qui resta lettre morte.

En 1536 la Norvège perdit son indépendance, à l'occasion d'une assemblée nationale à Copenhague, où Christian III se vit dans l'obligation de promettre à la noblesse danoise que dorénavant la Norvège serait sous l'autorité de la Couronne danoise, comme tout autre territoire danois. Le Conseil Royal norvégien fut dissous, et l'Eglise norvégienne perdit son indépendance. Dès lors rien ne s'opposait à ce que la noblesse danoise eût accès aux postes officiels en Norvège, et qu'elle en tire également les revenus.

Ce lien politique étroit avec le Danemark entraîna inévitablement la Norvège dans les guerres danoises menées contre la Suède et les puissances de la mer Baltique. C'est ainsi que des terres norvégiennes furent remises à la Suède : le Jämtland et le Härjedalen en 1645, le Bohuslän et le fief de Trondheim en 1658 ; toutefois ce dernier fut rendu à la Norvège deux ans plus tard.

En 1660 l'assemblée des Etats proclama Frédérik III héritier du trône et lui confia la tâche de pourvoir les deux royaumes d'une nouvelle constitution. Ainsi furent-ils mis sous un régime de monarchie absolue, ce qui affecta durablement le statut de la Norvège, et ce jusqu'à la fin de l'union entre les deux pays. Bien que la Norvège fût officiellement gouvernée par Copenhague, les monarques danois avait rarement la stature d'homme d'Etat. Le pouvoir réel était en fait aux mains des hauts fonctionnaires. Ce fut en général une bonne chose, car ces hauts fonctionnaires ne restaient pas insensibles aux vues norvégiennes. Ils écoutaient souvent les avis que leur donnait leurs confrères quand un problème surgissait.

Frederik III

En ces temps de monarchie absolue, il avait été décidé que le Danemark et la Norvège forment une seule entité économique. C'est pourquoi le Danemark eut le monopole de la vente de céréales dans la Norvège du sud-est en 1737, tandis que réciproquement la Norvège avait le monopole de la vente du fer au Danemark. La charte royale de 1662 accorda aux villes certains privilèges, notamment le monopole du commerce du bois, et l'exclusivité d'achat de produits forestiers auprès des fermiers et des propriétaires de scieries. Ces dispositions, qui visaient à la création d'une riche bourgeoisie urbaine, furent pleinement efficaces.

Un certain sentiment national se fit jour dans ces classes moyennes grâce à l'expansion économique, particulièrement au 18e siècle. Cette conscience nationale, ayant certes émergé grâce à la croissance économique, avait surtout son origine dans l'opposition grandissante aux tentatives gouvernementales visant à faire de Copenhague le centre économique des deux pays: les commerçants norvégiens ne faisaient pas le poids face aux puissantes sociétés commerciales du capitalisme danois.

A la fin du 18e siècle, la plupart des importations transitaient par Copenhague. Les détaillants de bois du Sud-Est s'unirent pour exiger la création d'une banque nationale norvégienne, et apportèrent leur soutien aux hauts fonctionnaires qui réclamaient une Université norvégienne. Ces demandes furent rejetées : on craignait en haut lieu toute démarche susceptible de rendre la Norvège plus autonome et d'affaiblir ainsi l'Union. L'idée même d'une Université et d'une banque nationale norvégiennes allait devenir les symboles d'une conscience nationale grandissante.

Ce processus ne fit que s'accélérer au cours des guerre napoléoniennes de 1807-1814. L'Union dano-norvégienne était l'alliée de la France et, en conséquence, le blocus isola la Norvège à la fois du Danemark et des marchés étrangers. Les exportations de bois et les échanges maritimes s'arrêtèrent brutalement, la famine s'étendit au pays tout entier. Comme la Norvège ne pouvait plus être soumise au contrôle direct de Copenhague, on nomma une commission gouvernementale qui prit le relais. Une université fut créée en 1811, le roi Frédérik VI ayant finalement accédé aux demandes des Norvégiens. Ces événements furent le prélude de ce qui devait se produire en 1814.

La sécession

En 1813, à la bataille de Leipzig, Napoléon subit une défaite sévère. L'un de ses adversaires, la Suède, avait dû auparavant remettre la Finlande au tsar, et, ayant ainsi perdu un Etat-tampon à l'est, souhaitait avoir la Norvège pour la protéger sur son flanc occidental. C'est pourquoi les alliés de la Suède s'étaient engagés à lui remettre la Norvège en tant que butin de guerre.

Après la victoire des alliés à Leipzig, le Danemark fut soumis à des pressions diplomatiques et la double monarchie dano-norvégienne fut attaquée par l'ennemi venant du Holstein. En janvier 1814 Frédérik VI se rendait, rompait avec Napoléon, et remettait la Norvège à ses adversaires suédois. C'est ainsi que prirent fin 434 ans d'union entre la Norvège et le Danemark.

Toutefois l'accord conclu entre le Danemark et ses adversaires contenaient des éléments politiques d'une importance capitale pour la Norvège. L'accord stipulait clairement que la Norvège devait reprendre sa place de nation indépendante, en union avec la Suède. Dans une proclamation ultérieure, le roi Charles XIII de Suède déclara que la Norvège devait être un Etat libre, ayant sa propre constitution, sa représentation nationale, son gouvernement, et disposant du droit de lever les impôts.

Les Norvégiens n'acceptaient pas cet état de choses sans réticences. Le Prince Christian-Frédéric, neveu du roi du Danemark, était alors gouverneur de Norvège. En accord avec son oncle, il favorisa la révolte des Norvégiens afin d'empêcher les Suédois de reprendre le pays, et aussi, vraisemblablement, afin de rétablir l'Union dano-norvégienne.

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Les manoeuvres du gouverneur aboutirent à la convocation d'une assemblée constituante. Elle se tint à Eidsvoll, à quelque 70 kilomètres au nord d'Oslo. Le 17 mai 1814 la nouvelle constitution fut adoptée, et Christian Frédéric élu roi de la Norvège. Depuis lors le 17 mai est la fête nationale de la Norvège.

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Eidsvoll 1814 (Oscar A. Wergeland)

Les vainqueurs des guerres napoléoniennes n'étaient guère disposés à accepter que l'on s'écarte des termes de l'accord. Les Suédois tentèrent d'abord de faire pression sur le plan diplomatique, et lorsque cela s'avéra inefficace, ils passèrent à l'offensive militaire, avec des troupes bien entraînées, et réduisirent rapidement la résistance des Norvégiens. Un accord fut signé à Moss (au sud d'Oslo) en août : les Suédois y reconnaissaient la Constitution norvégienne signée à Eidsvoll, avec les amendements rendus nécessaires par l'Union des deux royaumes. Le roi Christian Frédéric abdiqua le 10 octobre 1814, et quitta le pays. La Norvège entrait dans une nouvelle Union.

1814-1905

Dans les années qui suivirent cet événement, la Norvège dut se battre à plusieurs reprises pour sa survie. Elle subit la pire dépression économique jamais vécue. Le marché commun avec le Danemark n'existait plus et le marché britannique se ferma aux exportations de bois norvégiennes. Mines et scieries perdirent leur clientèle étrangère. De nombreux bourgeois du Sud-Est parmi les plus aisés firent faillite. La crise fut longue et dure.

Pendant cette période de revers économiques, le Storting (l'assemblée nationale norvégienne) et la monarchie suédoise s'affrontèrent à plusieurs reprises. On se servit de la Constitution pour supprimer les titres de noblesse, et cela en partie pour empêcher le roi de Suède de se créer des appuis en anoblissant des Norvégiens. Une crise ouverte éclata en 1821 lorsque le roi de Suède réunit des troupes autour d'Oslo pour contraindre le Storting à accepter une autorité accrue du pouvoir royal. Cette tentative échoua.

A partir des années trente, la Norvège entra dans une période de stabilité économique. Il devenait nécessaire d'assouplir les réglementations commerciales et douanières. Les droits d'accès aux activités commerciales furent étendus et des pratiques de libre échange furent autorisées. La participation norvégienne au développement européen prit d'autres aspects. La première voie ferrée, entre Oslo et Eidsvoll, fut construite en 1854. On installa des lignes télégraphiques, on utilisa de nouveaux modes d'exploitation agricole.

Les fondements de l'industrie moderne furent posés en 1840, lors de la création des premières usines textiles et des premiers ateliers de construction mécanique. Entre 1850 et 1880 la marine marchande prit un essor spectaculaire.

Le développement de l'économie fut suivi d'une intensification des conflits sociaux. La révolution de 1848 ne fut pas sans conséquences pour les mouvements politiques dans la classe ouvrière. Les revendications d'une réforme démocratique se firent plus pressantes.

Au sein du Storting les antagonismes s'accentuèrent peu à peu entre les représentants des hauts fonctionnaires, et les représentants des paysans et des radicaux ­ les paysans faisaient partie de la majorité dès 1833. La première tentative de créer un parti, en 1859, se révéla infructueuse, mais dix ans plus tard le premier bloc de la gauche libérale se constitua, sans être toutefois structuré comme un parti. Le premier parti politique, la Gauche radicale, fut constitué en 1884 et sa contrepartie conservatrice, le Parti Conservateur(la Droite) fut créée quelques mois plus tard.

Les désaccords avec la monarchie suédoise firent rapidement leur apparition ; une des principales raisons en était que les autorités suédoises avaient la haute main sur la politique étrangère de l'Union. Dès 1827 le Storting demanda au roi que le Premier ministre norvégien ait son mot à dire en la matière. Les Norvégiens demandèrent d'autres mesures de rééquilibrage, telle l'adoption d'un pavillon national sur les navires de commerce.

Toutefois le principal conflit entre les deux nations portait sur l'instauration d'un régime parlementaire et de l'adoption du principe constitutionnel qui veut qu'un gouvernement ne puisse rester au pouvoir qu'avec l'accord de l'assemblée nationale. C'est dans ce but que le Storting vota des amendements à la Constitution en 1874, 1879 et 1880 et invita à chaque fois des ministres de la couronne aux débats parlementaires. A chaque fois le roi refusa les amendements.

On se demanda donc si les amendements à la Constitution requéraient vraiment les consentements conjoints du roi et du Storting. C'était ce que prétendaient le gouvernement et les représentants du groupe conservateur. Mais les libéraux de gauche décidèrent de précipiter une crise en provoquant une mise en accusation. En 1883, après une campagne électorale d'une violence sans précédent, la gauche libérale envoya 82 députés siéger au Storting, les conservateurs n'en ayant que 32. Le gouvernement Selmer fut poursuivi devant la Haute Cour de justice, puis condamné à abandonner certaines fonctions en 1884, et surtout pour avoir conseillé au roi de refuser les amendements à la Constitution. Après une période de transition où les Conservateurs assurèrent la gestion des affaires publiques, le roi n'eut pas d'autre choix que de confier la direction du gouvernement au chef de la gauche libérale, M. Johan Sverdrup. C'était la consécration du régime parlementaire norvégien.

Les libéraux firent aboutir plusieurs réformes auxquelles ils tenaient, dont l'introduction du jury dans les procès, la réorganisation de l'armée et une nouvelle loi sur l'école primaire.

A la fin du 19e siècle les heurts à propos de l'Union se multiplièrent : les Suédois voulaient que le Ministre des affaires étrangères de l'Union soit suédois, le Storting exigeait la création de consulats exclusivement norvégiens. De part et d'autre le climat se détériorait. L'armée suédoise intervint pour contrecarrer toute initiative. De leur côté, les Norvégiens consacrèrent les dernières années du siècle à la création d'une armée nationale.

Ce fut la question de la représentation consulaire séparée qui déclencha le dernier conflit. Le 11 mars 1905, le gouvernement Michelsen fut constitué pour régler ce problème de façon unilatérale. Le 7 juin, le gouvernement démissionna. Mais le Storting lui demanda de différer son départ, conformément à la Constitution et aux lois en vigueur, et "conformément aux amendements rendus nécessaires du fait que l'Union avec la Suède sous l'autorité d'un seul roi est dissoute et que le roi de Suède est déchargé de ses fonctions de roi de Norvège".

Pour les Norvégiens, l'Union était rompue. Mais les Suédois réclamèrent un référendum pour savoir si la population se ralliait à cette décision. Qui plus est, la Suède exigea des négociations sur les conditions d'une dissolution de l'Union.

Le référendum eut lieu en août 1905. 368.392 Norvégiens se prononcèrent pour la dissolution et 184 furent contre.

Les négociations se tinrent à Kalstad en août et septembre. On se mit d'accord sur une séparation à l'amiable et sous certaines conditions.

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La Norvège d'après 1905

Haakon VII

De vifs débats eurent lieu sur la forme que devrait prendre le futur gouvernement. Un référendum permit de constater qu'une grande majorité de la population préférait une monarchie à une république. Le 18 novembre 1905, le Storting proclama le prince danois Charles roi de Norvège. Il prit le nom de Haakon VII, et fit son entrée dans la capitale de son nouveau royaume, le 25 novembre, accompagné de son épouse, la reine Maud, fille d'Edouard VII d'Angleterre, et du petit prince héritier Olav, qui devait un jour monter sur le trône sous le nom d'Olav V. Le monarque actuel, Harald V, est le fils du roi Olav V, décédé en 1991.

Après sa séparation d'avec la Suède, la Norvège connut une période d'expansion économique qui dura jusqu'à la Première Guerre mondiale, en 1914. Le PNB augmenta de 55%, ce qui représentait une augmentation annuelle moyenne de 4%. La population s'accrut et la situation de l'emploi s'améliora : c'était la seconde phase de la révolution industrielle, qui se caractérisa par l'exploitation d'une énergie hydro-électrique bon marché et par l'afflux de capitaux étrangers. Les premières industries électro-chimiques et électro-métallurgiques furent construites sur le sol norvégien, et de nouveaux produits firent leur apparition. De grandes entreprises naquirent, telle Norsk Hydro, et plusieurs centres industriels émergèrent.

Malgré cet essor économique, beaucoup de Norvégiens émigrèrent aux Etats-Unis au début du siècle.

Le mouvement travailliste existait déjà, avant même la dissolution de l'Union avec la Suède. Les premiers syndicats se constituèrent en 1872, et le Parti travailliste vit le jour en 1887. Le suffrage universel fut appliqué en 1898 et élargi aux femmes en 1913.

Le parti Travailliste obtint 4 sièges dès les élections de 1903. En 1912, il obtenait 26% des suffrages avec 23 élus. Il devenait le deuxième parti représenté au Storting après le parti de la gauche libérale. Les grèves et les lockouts de 1911 et 1912 le mirent à l'épreuve, et au cours des deux années qui suivirent, jusqu'à la Première Guerre mondiale, il se fortifia et se radicalisa.

Toutefois les deux premières années d'industrialisation n'entraînèrent pas de mutations sociales importantes. En 1910, le secteur agricole et forestier employait 42% de la population active. En 1920, il n'en employait que 37%, et aujourd'hui il n'en emploie plus que 6%.

Après la dissolution de l'Union, la Norvège se vit dans l'obligation de créer un Ministère des Affaires étrangères, des représentations diplomatiques, et cela avec peu de moyens. La politique étrangère, telle qu'elle avait été définie par le gouvernement Michelsen en 1905, prévoyait que la Norvège s'abstienne de contracter des alliances avec des pays susceptibles de l'entraîner dans des conflits armés. La population apportait un soutien sans réserves à cette politique de neutralité. Cela n'empêcha pas la Norvège de participer activement à tous les efforts faits pour promouvoir des accords d'arbitrage internationaux.

La Norvège resta neutre pendant la Première Guerre mondiale, ce qui n'empêcha pas sa flotte marchande, victime des sous-marins et des mines, de subir de lourdes pertes. Environ deux mille marins y laissèrent leur vie. Mais la guerre engendra aussi des bénéfices financiers considérables, qui permirent de racheter d'importantes compagnies passées sous contrôle étranger (Borregaard, les mines de charbon de Spitsbergen au Spitzberg, etc.). Les accords conclus en 1920 après la guerre reconnurent la souveraineté de la Norvège sur le Spitzberg.

La gauche libérale perdit la majorité aux élections législatives de 1918. Jusqu'en 1945 aucun parti ne fut capable à lui seul d'emporter la majorité des sièges. Cela rendit les travaux parlementaires quelque peu difficiles. En 1928, le parti Travailliste réussit à former son premier gouvernement, mais, renversé par une majorité non-socialiste, il n'avait vécu que 19 jours.

Avant cet épisode il avait traversé une période agitée. De 1921 à 1923 il avait adhéré à l'Internationale communiste. Après avoir rompu, en partie à cause de son refus d'admettre le principe de la "dictature du prolétariat", le parti regagna du terrain aux élections.

La dépression économique, qui avait débuté dans les années 20, n'épargna pas la Norvège. La politique monétaire du gouvernement aggrava les difficultés : les transactions commerciales chutèrent, le transport maritime cessa, de nombreuses banques firent faillite. Le cours de la couronne commença à baisser et le manque de devises étrangères se fit durement sentir. Les revenus de l'Etat diminuèrent, et beaucoup de municipalités furent atteintes de plein fouet. Il fallut réduire les salaires, qui étaient élevés à la suite de la sentence arbitrale de 1920, ce qui provoqua de violentes protestations chez les ouvriers : à cette époque déjà, ils étaient fortement influencés par les idées révolutionnaires. Le chômage fut important jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.

En 1932 l'économie se redressa, entraînant une spectaculaire amélioration de la balance des paiements. Entre 1935 et 1939, le revenu national augmenta de plus d' 1 milliard 400 millions de couronnes, somme considérable pour l'époque.

En 1920 la Norvège devenait membre de la Société des Nations, renonçant ainsi à sa politique d'isolement. La coopération entre pays nordiques, déjà amorcée pendant la guerre, se poursuivait au sein de cette institution. Ces pays apportaient leur soutien à toutes mesures de maintien de la paix, tout en évitant de participer à des sanctions militaires. Le Président du Storting, Carl Joachim Hambro, était Président de la Société des Nations quand la Seconde Guerre mondiale éclata.

A la fin des années trente, quand les prémices de la guerre se faisaient de plus en plus menaçantes, les problèmes de la Défense nationale furent le thème essentiel des débats politiques. Les socialistes, en partie soutenus par la gauche libérale, s'étaient jusqu'alors fermement opposés à tout octroi de crédits à l'armée. La méfiance des socialistes était partiellement due au fait que le Ministre de la Défense du début des années trente était Vidkun Quisling, (qui plus tard devint national-socialiste), et qu'il faisait partie du cabinet ministériel du gouvernement dirigé par les agrariens. En 1936, le Parti travailliste revenait former un gouvernement, avec le soutien de ces derniers. Johan Nygaardsvold devint Premier Ministre. Les crédits militaires furent votés, mais c'était trop tard pour renforcer réellement le pouvoir de l'armée. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata en 1939, la Norvège se proclama neutre une nouvelle fois.

L'auteur de cet article, Tor Dagre, a été rédacteur en chef de Nouvelles de Norvège.

Rédigé par Nytt fra Norge - 1996

Liens internet

Article encyclopédique

Partie sur l'histoire du Ministère des Affaires étrangères

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